mercredi 26 septembre 2012

Pour l'amour du raisin

On est une toute petite équipe. Une douzaine de vendangeurs. Un groupe ecclectique composé d'experts de la coupe de la grappe et d'apprentis. L'intrigue se déroule dans le Beaujolais. À Saint-Vérand. Un endroit minuscule, doté d'un charme inouï. Au milieu de la place, une église fait sonner ses cloches à chaque heure. Et bien malgré tout, le temps semble s'être évanoui à Saint-Vérand.

Faire les vendanges, c'est comme apprendre à mieux se connaître. Travail mécanique débutant au petit matin et se terminant en début de soirée. Disparition de toutes classes sociales. Journées épuisantes. Courbatures. Mais les vendanges, c'est aussi la fin d'une année de travail, l'étape précédant la vinification. Vendanger, c'est rire aux éclats, partager des moments inoubliables, et bien entendu, finalement recevoir sa paie.

Pour David Vivier-Merle, le propriétaire-récoltant, le vin, c'est une histoire de famille. Nous sommes logés chez le grand-père, Jean-Louis, qui a 93 ans et qui n'a pas pu faire les vendanges pour la première fois cette année. Il s'est cassé le pied. Michelle, la mère de David, s'occupe des repas. Ces repas, on les prend tous ensemble. Et comme dans une famille, il y a des gens qui parlent trop fort ou qui connaissent tout ou qui répètent continuellement les mêmes refrains. Dans une famille, il y a aussi des liens puissants.  

Je coupe les raisins lentement. Très lentement. J'essaie d'aller vite. C'est peine perdue. Nicole a 69 ans. Elle est beaucoup plus rapide que moi. J'aime bien faire les rangs avec Alain ou Raymond. Ce dernier est de Poitiers et il est plus vieux que Nicole de trois années. Tout en coupant, on discute.  Il a légué sa ferme laitière a ses deux fils. Il en sait beaucoup sur le Canada. Comme ça, il me sort le nom des Grands Lacs. Lorsque c'est possible, il vide mon sceau, le dos courbé, dans la hotte du porteur. Puisque ça me fait extrêmement plaisir, je le remercie systématiquement.

J'ai de nouveaux amis. Nicolas et Manu. Des gars avec des coeurs énormes, oui. Ils m'écoutent joyeusement parler de l'Acadie. Ils voient bien les étoiles que j'ai dans le fond des yeux. Il faut être fier de notre peuple qui parle encore français, et ceci, après avoir tenté de nous exproprier, il y a déjà plusieurs années. Bref, petit pincement au coeur en quittant ces deux garçons aujourd'hui. Après tout, on avait notre place à nous au bout de la table.   

Vers minuit hier, les trois, on s'arrête chez Nicole et sa maman Germaine. Elles nous sortent du rosée, des fromages et des chocolats. Germaine à 87 ans, est alerte comme ça se peut pas. Elles m'offrent mes premiers présents que je rapporterai avec moi, c'est-à-dire, des pantoufles, des mitaines et un porte-clé. En revenant à la vieille maison, on a le sourire pendu jusqu'aux oreilles. Instants magiques.

Par une soirée étoilée, Michelle me parle de la chaleur des francophones de chez-nous. Elle me fredonne des airs de Vigneault, Ferland et Charleboix. « Tout ça, c'est si beau. Tu ne voudrais sûrement ne jamais vivre ailleurs. » Même si tu n'as jamais mis les pieds dans mon petit coin de pays Michelle, tu as tout compris. C'est prétentieux, je l'avoue. L'orgueil du voyageur.

Voilà, un autre moment fort de mon itinérance européenne. J'ai les doigts noirs. Je suis exténuée. À tous, une douce nuit.

(Je receverai des photos des vendanges. Je les rajouterai lorsque je les recevrai. En voici une prise ce matin juste avant de quitter les Vivier-Merle. Dessus : Nicolas, Stephi, Manu et Benoît)

mardi 11 septembre 2012

Le bruit des cuisines

Je crois que j'avais 22 ans lorsque j'ai déménagé à Toronto. Parlant un anglais approximatif et ne sachant pas où j'allais poser mes deux valises, je rêvais de rendre le monde meilleur. Comme tout les jeunes gens. Mon premier boulot en tant que « jeune professionnelle » fut comme une espèce de révélation.

Deux ou trois jours semaine, je devais me rendre dans un foyer de soins pour personnes âgées dans le centre-ouest de la ville. Un établissement chrétien conservateur. Vous savez, ce genre de lieu où les résidents qui y passent les dernières années de leur existence n'ont ni le droit de boire de l'alcool ni le droit de danser. Bref, la directrice du service alimentaire, Yolanta, guidait ses troupes d'une main de fer. On aurait cru Madame Tatcher. Elle me faisait trembler. Parmi les employés de la cuisine, une imposante dame des Caraïbes qui y était depuis toujours. Je me demandais même si elle n'était pas née entre le poêle et le frigidaire. Le restant du groupe était composé de gens en provenance des Philippines et du Portugal.

Ça parlait fort dans la cuisine. Afin de bien se comprendre, ou plutôt de trouver un terrain d'entente, il ne fallait pas passer par quatre chemins. « Straight to the point » Ben Stéphanie, elle sortait de l'école. Elle était charmante avec son accent. Elle avait un peu la frousse, mais elle était remplie de bonnes intentions. En effet, elle ne voulait rien de moins que de changer le monde. Une jeune qui dicte à des employés ayant deux fois son âge quoi servir aux résidents. Qui change certaines méthodes que ces mêmes employés mettent en pratique depuis longtemps. Tension.

À chaque fois qu'un changement quelconque était proposé dans la cuisine, des voix s'élevaient. Des voix à l'accent portugais. Et ces dames qui portaient cet accent, osaient venir m'affronter dans la salle à manger. Même lorsque j'étais en train de discuter avec des résidents ou avec leur famille! C'est à ce moment que le Portugal s'est définit comme un peuple à caractère fort. Un peuple ne craignant pas l'affrontement. J'ai rencontré plusieurs Portugais par la suite, mais ma perception est demeurée la même. « Ils parlent fort. »

Mon impression ne m'est jamais sortie de l'esprit. J'ai un peu honte de l'avouer, mais celle-ci est restée jusqu'à la semaine dernière. J'ai visité quelques villes ici : Lisbonne, Porto, Coimbra, Sintra, Aveiro. J'ai rencontré des gens courtois qui ont de la douceur autant dans la voix que dans les yeux. Qui ne parlent pas plus fort, sinon moins, que les Canadiens ou les Anglais ou les Allemands. Et si les bruits de cuisine, faisant élever les voix, étaient universels?

Je ne sais pas du tout où je m'en vais avec cette histoire. Je la trouve amusante. Comme quoi, voyager, ça sert aussi à interroger nos idées préconçues.

Sur les photos: 1 et 2 : Coimbra, 3 : Stéphi à Coimbra, 4 : Palais Buçaco, 5 : Chapelle du palais Buçaco, 6 : plage à Aveiro et 7 et 8 : Coimbra à nouveau.








lundi 10 septembre 2012

Portugal (suite)

Toujours au Portugal. Toujours aussi Magnifique. Les nouvelles seront brèves. Il faudra profiter des derniers jours. Je sais que j'aurai le coeur brisé lorsque je partirai.

J'étais à Lisbonne pour quelques jours. Chez Nuno et Nelson. Deux végétariens dans le pays de la viande. Ces gars-là ont des coeurs énormes. Ils m'ont promené partout. M'ont montré l'essentiel de la ville et des environs, ceci, même s'ils ont des vies très remplies. Nuno est enseignant. Il est en train de faire un deuxième baccalauréat en ingénérie. En raison de la crise, le gouvernement entreprend des coupures en éducation. Il craint de perdre son boulot. Nelson, pour sa part, est travailleur social. Il bosse au côté de travestis qui se prostituent. En même temps, il fait son doctorat. Moment fort de mon voyage de les avoir rencontrés.

Je suis à Coimbra. Petite ville universitaire particulièrement belle du pays. Je suis chez Claudia, l'amie à Cristina. Cette dernière, je l'ai rencontrée à Toronto. On travaillait toutes les deux à l'hôpital Sick Kids. Elle travaillait en orthopédie, comme chirugienne. Et moi, en recherche dans le même département. Cristina travaille des 48 heures d'affilée. Je ne l'ai vue que le temps d'un rapide souper hier. Ses amis, qui ne me connaissaient pas avant-hier, prennent soin de moi. Est-ce que le coeur de tout le monde est rempli de tant de chaleur ici?

La vie est rude en ce moment au Portugal. La crise a frappé fort. Le moral n'est pas à son meilleur. Le gouvernement a annoncé des mesures vendredi qui découragent les Portuguais. Pourtant, le calme reigne. Tout est impeccable. Les gens continuent à sourire. En leur rendant la pareil, je me dis que cette crise doit se terminer bientôt.

Je suis gâtée. Je mange des raisins verts qui viennent du jardin du cousin, des pêches qui viennent du père de l'autre, de la confiture qu'une mère a fait. J'en profite. J'espère recevoir la visite de ces nouvelles connaissances de l'autre côté de l'océan un jour. C'est un cercle.

J'ai vécu les instants les plus embarassants de mon voyage jusqu'à date. Un moment Marilyn Monroe à Lisbonne. La robe complèment en l'air. Les gens n'avaient pas l'air traumatisé plus qu'il fallait. Ils ne faisaient que répéter « It's ok, it's ok. »

Je t'aimerai pour longtemps, Portugal. À cause de toi, je n'aurai pas le choix d'aller flirter avec l'Espagne.

Sur les photos : Nuno, Stéphi et Nelson. Et Stéphi et Nuno dans les rues folles de Bairro Alto.
 


Quelques photos prises à Lisbonne la semaine dernière :




 



Et voici des photos que j'ai prises hier à Coimbra :






 

jeudi 6 septembre 2012

Portugal, you put a spell on me

Tâche ingrate que de tenter d'expliquer les raisons pour lesquelles je suis instantanément tombée amoureuse du Portugal. L'architecture magnifique? Les couleurs? L'accueil exceptionnel des habitants de Porto (Portuenses)? Une chose est claire : en sortant de la station de métro Sao Bento, hier, j'ai su que ce pays venait de m'arracher une partie du coeur, de prendre un bout de ma liberté. De ma plus-que-modeste existence, je n'ai visité que quelques coins en Europe, et de ces endroits, c'est le Portugal que je veux marier.

Porto. Tellement plus que le vin. Dans la ville aux églises baroques, de la quiétude et du détachement. Des gens qui te sourient spontanément. Des gens prêts à te donner un coup de main, sans que tu n'aies demandé rien. À la gare, deux adolescents m'ont offert leur billet lorsqu'ils ont observé que personne dans la queue ne comprenait l'anglais, et donc, ne pouvait répondre à mes questions. M'évitant de me remettre en ligne pour une seconde demi-heure. (Le système de billeterie était en panne aujourd'hui. Le chao. Et une de ces chaleurs, dont même les Portugais ne sont pas accoutumés à cette période de l'année.) La petite guide drôle de l'auberge nous a dit que les Portuenses (j'aime utiliser ce mot nouveau, comme vous le voyez) affectionnaient les touristes. J'en ai été témoin.

Pedro est dans la vingtaine. Cinq ou six ans passés, il a ouvert son auberge de jeunesse. On est jeudi après-midi. Tout le monde flâne dans les vieilles rues sous ce soleil de plomb. Je me prépare, le coeur serré, à partir. Assis confortablement dans le petit salon, on jase. Pedro : « Stephanie, you are going to miss your train! » Pas grave, des trains en direction de Lisbonne, il en part à chaque heure. « Pedro, tu sais qu'on est accueilli comme chez sa famille ici? » Il riposte que se sont les voyageurs qui font la différence. L'ambiance qui régne rend les gens joyeux, elle est propice aux belles rencontres. Ce Pedro nous a offert, sans artifice, une bouteille de Porto blanc vieilli de 10 ans. Une de celles qui donne mal à la tête.

Il me dit que la crise économique a bien sûr touché son pays. Qu'environ 40 % des Portugais bénéficient de l'assurance-chomâge. Pedro affirme que le taux de criminalité a augmenté dans certaines villes, oui. À Porto, non. Les puristes de la langue française vont se choquer, mais bon, les gens sont « chill » à Porto. Ils boivent de la bière s'appelant Super Bock et ils s'amusent à se moquer de Lisbonne et à la trouver beaucoup moins « cool ».    

Je suis dans un train portugais. Sur le point de mettre les pieds à Lisbonne, justement. Je me réjouie à l'idée que je serai dans ce merveilleux pays pour huit jours. Je me sens si privilégié d'être là. C'est peut-être parce que j'ai des étoiles dans les yeux que les gens me sourient.

Ah oui, en sortant de l'auberge, un homme de peut-être 65 ans entrait. Un Canadien. Un gars de l'Île-du-désespoir, je veux dire de l'Île-du-Prince-Édouard.  Il se posait un soir avant de commencer Compostelle. Surprise mutuelle de constater qu'on partagait le même nom de famille. Anectode agréable, lorsque tu te retrouves de l'autre côté de l'océan.

Ah oui (x 2), Sylvie et Jérôme, si vous lisez ceci, sachez que je n'ai pas vu beaucoup de roux au Portugal.

Enfin, pour la famille, mon billet de retour est acheté. Je reviendrai dans les Amériques le 16 novembre. Il me reste encore plein de temps pour découvrir. Yes.

Des photos prises aujourd'hui à Porto :




samedi 1 septembre 2012

Des propos légers

Écrire parce qu'on a le goût. Ou tenter de tout dire sans vraiment rien dire. Lorsqu'on est bloggeur en herbe, la vie est dure parfois.

L'automne vient de voler l'été à Rouen. Le soleil se décline face aux nuages. Les matinées sont fraîches. Les habitants de la ville ont sorti leur foulard. On est à cent lieues de la Croatie de la semaine dernière. Commentaire futile : je devrai me trouver des vêtements chauds.

La petite commune de Sotteville-lès-Rouen est située sur la rive sud de la Seine. Elle est voisine à Rouen. Entre chez Frédérick et le centre-ville de Rouen, il faut mettre un peu plus de 20 minutes à vélo. Je le fais tous les jours, ce parcours. Au début, j'y mettais beaucoup plus de temps. La paresse pousse miraculeusement l'humain à trouver les chemins les plus courts, les moins venteux et  les plus plats. En voyage, j'applique volontiers la loi du moindre effort.

Parlons vélo. Le cycliste est roi à Rouen. Les automobilistes lui sont polis. Certaines voies lui sont réservées. Ces circonstances réunies, tu te sens important sur ta bicyclette et tu as envie de pédaler avec insouciance. Tu portes un casque ici? De l'exotisme pur. Lorsque tu le portes joyeusement et que tu croques dans une pomme en pédalant, et ceci, en ayant la mine de quelqu'un qui n'a pas à travailler le lendemain, c'est le paroxysme.

J'aime Rouen. Et je ne suis pas ironique. Les gens sont aimables. On y est tranquille, confortable. Un peu comme j'ai systématiquement eu le bégin pour Bruxelles.

Sylvie commence à enseigner dans sa petite école mardi. Elles sont quatre enseignantes, pour un total de 16 employés. Convivialité. Elles vont l'aimer, la petite Canadienne. Pendant ce temps, je serai au Portugal, où la température oscille entre 27 et 33c.

Geoffrey. Notre ami Français travaillant à Moncton. Il taille des roches. Il fait ce qu'il aime le plus au monde. Accident sur le chantier en début de semaine. On a eu la frousse. Toujours à l'hôpital, mais il a bonne mine. Hâte de te voir, Geoffrey.

Musique. Dans mes oreilles en ce moment. À découvrir absolument : Waldeck et Moriary.  
Voilà un message des plus anodins. Parce que j'avais juste le goût d'écrire.       

(Sur les photos : une ruelle de Rouen et des enfants faisant de la jonglerie devant l'hôtel de ville, un certain samedi de septembre)